Je n’ai compris que très tard que la Réforme
de l’Etat, en Belgique, était une source d’activité politique à part entière,
destinée à ne jamais se tarir. Chaque réforme achevée porte en elle la juste
dose de désaccords et d’ambiguïtés, qui constituent les germes de la réforme suivante.
C’est ainsi en se réformant sans cesse
que la Belgique parvient à ne pas trop bouger.
La première grande réforme de 1970 (création des régions et des
communautés) a ainsi été sensiblement approfondie par celle de 1980 (élargissement des compétences des
communautés à toutes les matières dites « personnalisables » et
création des institutions régionales et communautaires). Mais dès 1988-89, l’on remettait l’ouvrage sur
le métier (création des institutions de la région bruxelloise) pour enchaîner
sur la grande réforme de 1993, qui
transforma finalement la Belgique en Etat fédéral.
Le transfert progressif de compétences fédérales
aux communautés et aux régions ne faisait pourtant que commencer. En 2000-2001, ce sont les régions qui
héritent de nouvelles compétences, tandis que le nombre des députés régionaux
bruxellois se voit sensiblement augmenté.
Et l’affrontement Nord-Sud continue de stimuler
constamment le processus de réforme. Avec d’un côté les Flamands,
historiquement plus attachés à la langue et aux Communautés, de l’autre les
francophones, défendant un renforcement des régions. Les premiers poussent toujours
au transfert de nouvelles compétences fédérales, tandis que les seconds ne se
sont convertis que très tard aux vertus de la décentralisation à outrance.
Le
sujet institutionnel devint, sous les pressions nationalistes, si lourd et
épineux, qu’il fallut prendre le pli de poursuivre les négociations à l’écart
de la scène politique. Dans l’espoir de laisser ainsi
une chance au gouvernement souvent difficilement formé d’attaquer quelques
sujets de fond … avant d’être inévitablement renversé.
En 2008, c’est la scission de l’arrondissement
électoral et judiciaire de BHV, à cheval entre Bruxelles et la Flandre, qui
fait trembler le gouvernement. Depuis 2012, et la scission, les partis
négocient la 6ème grande
réforme de l’Etat, sous la pression des scores triomphants du parti flamand
de la N-VA.
Ce ne
sont rien moins que le marché de l’emploi, les allocations familiales, et même
certains volets du régime de la sécurité sociale qui vont cette fois-ci quitter
le giron fédéral pour de trouver attribués aux communautés ou aux régions.
Ainsi, loin d’être un
volet de l’action politique fédérale, la réforme de l’Etat est devenue une
scène politique à part, indissociable de l’action gouvernementale, qu’elle doit
à tout prix éviter de rencontrer. Et les
institutions de l’Etat ne continuent ainsi à fonctionner qu’au prix de leur lente
mise à mort. En attendant le coup de grâce.
Bravo pour votre blog. On y apprend toujours beaucoup de choses et votre style est très agréable à lire...
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