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jeudi 25 octobre 2012

Bruxelles, ma belle.


Tandis qu’Alexander De Croo, grand perdant des élections, est devenu cette semaine vice-premier Ministre du gouvernement fédéral, la nouvelle figure anversoise Bart De Wever se trouve toujours, lui, sans majorité dans sa commune. C’est le monde à l’Anvers !

Difficile néanmoins pour le président de la N-VA (nationalistes flamands) de se poser une fois de plus en victime.

A Alost, ou plutôt Aalst (prononcer avec l’accent du Nord), où les nationalistes sont arrivés en tête, ils s'adonnent activement au combat contre la francisation. Dans cette commune flamande, qui n’est même pas à facilité (c’est à dire sans que les francophones n'y disposent pas du droit de contacter l’administration locale en français), l’on se sent apparemment menacé au point qu’a été nommé un échevin des Affaires flamandes, chargé de défendre le caractère néerlandophone de la commune. Des fois que la tâche d’huile francophone s’étendrait par ici…

Mais pourquoi cet acharnement à défendre les contours de Bruxelles ?

Parce que Bruxelles fut à l’origine flamande (Broek = marais). Elle ne fut francisée progressivement qu’à partir de 1430, par le régime bourguignon, et ne devint officiellement bilingue qu’en ... 1832 !

Aujourd’hui, la région est à 85 % francophone, et les flamands s’y sentent parfois méprisés, à l’image de ces administrés néerlandophones de Saint Gilles ou Forest, contraints aujourd'hui de s’adresser aux fonctionnaires communaux en français.

Les Flamands résistent néanmoins. Ils ont fait de la ville leur capitale institutionnelle, y implantant leur gouvernement régional et communautaire, et marquent leur présence par un investissement massif dans les milieux artistiques et culturels de la région, ainsi que dans l’enseignement de leur langue.

La « communauté française de Belgique », en réponse, s’est choisi le nouveau nom de « fédération Wallonie-Bruxelles », une appellation qui fleure déjà la séparation.

Ainsi, Bruxelles est devenue l’enfant dont personne ne veut se séparer, celui pour lequel en cas de divorce il faudrait organiser une garde partagée. Bref, Bruxelles est ce nœud qui, sans relier les deux communautés, ne les rend pas moins toutes deux inséparables.

Et les Bruxellois, alors ? On aurait tort de les considérer comme des francophones. Le Bruxellois est bruxellois ; il est jeune, cosmopolite, parle plusieurs langues et lorsqu’il travaille, c’est surtout dans le tertiaire, souvent dans un cadre international. Et à choisir, en cas de scission, le Bruxellois choisirait … Bruxelles, utopique cité indépendante des deux autres régions. 

Surréalisme, toujours. 

dimanche 21 octobre 2012

Au fédéral : vogue la galère…


A la suite les élections communales du 14 octobre, certains tiraillements se font sentir au sein de l’équipage gouvernemental, mis à flots à l'issue de la plus longue crise politique de l’histoire, le 5 décembre 2011.

Pour soutenir l’édifice fédéral, sans l’appui de la massive N-VA (28 % des suffrages en Flandres en juin 2010), se constitue ce jour là, après 18 mois de négociations, une coalition aussi risquée que contre nature. Elle associe les trois grands piliers dont la division avait jusqu’alors, et depuis l’origine, structuré l’ensemble de la société belge, ses écoles, ses hôpitaux, ses mutuelles, ses universités, etc. Socialistes, chrétiens-démocrates et libéraux - francophones et flamands – se retrouvèrent ensemble embarqués sur le même navire.

A l’heure du bilan des communales, chacun feint de vouloir maintenir le cap initial, ignorant volontairement l’important écueil nationaliste et les risques de mutinerie.

Le PS (socialistes francophones), malgré de beaux succès comme celui de Paul Magnette à Charleroi, n’en a pas moins réalisé un score décevant. La tendance à la baisse entamée en 2006, à la suite des scandales politico-financiers révélés à Charleroi, se confirme (- 2,7 % de voix en Wallonie). Dans ces conditions, et dans la perspective des élections régionales de 2014, le premier Ministre Elio Di Rupo a plus que jamais besoin du soutien de ses partenaires francophones. Hélas…

Le CDH (chrétiens démocrates francophones) en solitaire ? : Il était depuis 2006 « scotché » au PS, qui en avait fait malgré ses scores électoraux parfois médiocres, un partenaire de coalition privilégié.  Dès lors, la participation du CDH au renversement de ténors socialistes, tels la vice-première Laurette Onkelinx à Schaerbeek, ou l’indétrônable bourgmestre de Molenbeek Philippe Moureaux, constitue une petite révolution. De là à y voir les premiers signes d’un rapprochement avec le MR…

Le MR (libéraux francophones) en arbitre : Mais que veut vraiment le MR ? Maintenu en deuxième position chez les francophones, le parti de Charles Michel navigue entre PS et CDH, et cultive le mystère sur ses intentions pour 2014. S’il continue de gérer avec le PS un grand nombre de communes, notamment bruxelloises, il souffle le chaud et le froid, dénonçant tantôt le laxisme du PS en matière de sécurité, tantôt les atteintes à la laïcité des chrétiens-démocrates. De quoi faire encore durer le suspens sur ses intentions…et tendre un peu plus l’ambiance au gouvernement !

Chez les partenaires flamands, la tornade De Wever laissera des traces durables.

L’Open VLD (libéraux flamands) a sombré corps et biens : Le parti libéral fait les frais du re-positionnement de la N-VA sur le créneau de l’anti-socialisme. La formation, qui ne s’est jamais vraiment remise du départ de son leader historique Guy Verhofstadt, a été écrasée sur son propre terrain. A tel point que les rats commencent à quitter le navire. Le ministre des pensions, Vincent Van Quickenborne, a ainsi intrigué à Courtrai pour obtenir le mayorat, et préparer sa sortie du gouvernement au moment des négociations budgétaires.

Le CD&V (chrétiens-démocrates flamands) contre vents et marées : C’est le seul parti qui résiste, et plutôt bien, à la lame de fond N-VA. Mais, un temps en cartel avec la N-VA, le parti court désormais après ses électeurs perdus sur le terrain communautaire. Pas sûr que ceux-ci ne préfèrent l’original à la copie.

Le SP.A (socialistes flamands) surnage : Son échec retentissant à Anvers est un coup presque fatal pour ce petit parti, monté dans la coalition in extremis. Son éventuelle participation à une coalition avec Bart De Wever pourrait définitivement le discréditer.

C’est donc ensemble sur une vraie galère que les partis du gouvernement entament cette semaine d’importantes et sensibles discussions sur la réforme de l’Etat et le cadre budgétaire. Contraints d’avancer ensemble, chacun des partis est bien sûr conscient qu’en cas de naufrage, la N-VA incarnerait la seule alternative. 

lundi 15 octobre 2012

Vote blanc à Bruxelles, noir et jaune en Flandres.


Pour l’électeur bruxellois, le scrutin communal (et provincial) d’hier a un petit goût de frustration. Peu de suspense pouvant susciter son intérêt dans la plupart des communes de sa région, il dut tourner, comme tous les médias, son regard vers la commune flamande d’Anvers, où s’est produit un événement que son principal protagoniste a justement qualifié d’historique.

A Bruxelles, petites trahisons entre amis.

Bruxelles, donc, a vu confortées la plupart des majorités en place, et notamment celles présentes à Uccle, où l’actuel bourgmestre Armand De Decker (MR, libéraux) conserve sans surprise son poste, et Saint Gilles, où la liste socialiste de Charles Picqué remporte la majorité absolue. A Ixelles, MR et PS ont mis sur pied un accord original ; ne pouvant être désignés tous deux bourgmestres, Willy Decourty (PS) et Dominique Dufourny (MR) ont convenu d’occuper chacun successivement la fonction. On leur souhaite à chacun un partenaire fiable !

Mais ne boudons pas notre plaisir, quelques trahisons tout de même sont venues pimenter ce scénario sans surprise.

A Watermael-Boitsfort, bien qu’arrivée largement en tête, la FDF Martine Payfa a dû céder la place de bourgmestre au premier Ecolo à ce poste dans la capitale : Olivier Deleuze. C’est le fruit d’un accord entre Ecolo et l’ancien partenaire MR, qui ne l’emportera pas au paradis !

A Bruxelles-ville, le psychodrame s’est dénoué très tard dans la soirée. L’indétrônable bourgmestre socialiste, Freddy Thielmans, a finalement choisi de s’allier avec le MR (libéraux), reléguant désormais dans l’opposition le CDH (centristes) et sa vice-première Ministre Joëlle Milquet.

Le CDH néanmoins n’est pas en reste, qui, à Schaerbeek, a conclu avec Ecolo et le FDF une alliance boutant dans l’opposition la vice-première ministre socialiste Laurette Onkelinx. Un partout !

A Anvers, la fin d’une époque, le début d’une nouvelle ?

La victoire du président de la N-VA Bart de Wever à Anvers est écrasante. Avec près de 38 % des voix, il dépasse les dernières estimations faites et laisse sur le carreau Patrick Janssens (28,6 %), mettant du même coup un terme à 80 ans de domination socialiste dans la première ville de Flandre.

Cette victoire n’est pas un fait isolé, et de nombreuses autres en Flandre démontrent que Bart de Wever n’est pas le seul argument électoral du parti. En se positionnant en tête dans un bon tiers des communes flamandes, la N-VA démontre qu’elle n’est plus, selon les termes de son président un « colosse aux pieds de nain » mais qu’elle bénéficie désormais, outre son excellent score aux élections législatives fédérales de 2010, d’un très solide ancrage local.

Conscient de sa victoire implacable, Bart de Wever a prononcé hier un discours de combat. L'assaut sera donné depuis les communes conquises par le parti, avec comme objectif la conquête de Bruxelles et la mort du « gouvernement taxateur » de M. Di Rupo.

Il n’a ainsi pas hésité à appeler immédiatement le Premier ministre socialiste à négocier la transformation de la Belgique en un Etat confédéral, préalable à une indépendance de la Flandre.

L’impression d’avoir atteint un point de « non-retour » selon l’expression de M. De Wever reste ainsi durablement dans l’esprit de ceux qui ont vécu en direct ce moment historique.

Les ressorts de la victoire étaient pourtant présents bien en amont, et nul ne peut prétendre en être surpris. Installé confortablement dans sa position d’opposant, M. De Wever récoltait les fruits des hésitations gouvernementales face à la crise économique, tout en se posant comme le réel initiateur de la sixième réforme de l’Etat. Ajoutons à cela une ville traditionnellement très sensible aux arguments de l’extrême droite et la manipulation habile de M. De Wever visant à donner à ce scrutin local, depuis deux ans, une dimension nationale.

Au nord comme au sud du pays, le premier réflexe fut justement de rendre à ce vote sa dimension locale. M. De Wever n’est que bourgmestre d’Anvers. Encore doit-il désormais faire ses preuves, et notamment démontrer sa capacité à mettre rapidement sur pied une coalition majoritaire... qui ne peut en l’état se constituer qu’avec l’ennemi socialiste. Une première épreuve qui aura valeur de test !

Le gouvernement fédéral souligne qu’il ne se sent donc pas menacé et M. Di Rupo n’a pas souhaité répondre à l’appel du nouveau bourgmestre anversois. Les partis flamands qui composent la coalition gouvernementale ont, il est vrai, plutôt bien résisté à l’assaut, et le CD&V, parti pivot de la majorité, conserve sa place de premier parti local, notamment grâce à son ancrage rural.

Ce n’est donc pas le scenario des législatives de 2010 qui se rejoue. Cette fois-ci, la seule réelle victime directe de la N-VA, c’est le parti d’extrême droite Vlaams Belang, et ça, personne ne s’en plaindra.

De quoi permettre aux partis au pouvoir de se voiler encore un peu la face…au moins jusqu’aux élections législatives de 2014.

samedi 13 octobre 2012

En passant par Zaventem...



Il est certaines expériences en Belgique qui donnent envie d’appeler immédiatement tous les candidats à l’exil fiscal, pour leur expliquer qu’il est encore temps de renoncer.

Ayant atterri aujourd’hui à l’aéroport de Zaventem, comme souvent à la dernière porte du terminal, j’avais déjà marché un bon kilomètre avant d’accéder aux quais flambant neufs de la toute nouvelle gare ferroviaire de « Zaventem  Luchthaven ».

Que le français soit totalement banni, en ces terres flamandes, ne me surprend désormais plus. Mais que peut penser un anglophone, compris dans tous les pays du monde, et, on peut l’imaginer, peu aguerri aux questions linguistiques et communautaires belgo-belges, lorsqu’il se trouve confronté à ces panneaux exclusivement rédigés en néerlandais ?

Tentant d’acheter un billet de train, un couple d’Anglais s’interrogeait devant moi : « What is Bancontact ? », « They don’t use the Visa Card ? ». Ah, pauvre étranger, qui t’aventures en terre belge sans t’être muni au préalable d’une Bancontact. Cette carte de paiement, bien qu’acceptée par moins d’un commerçant sur deux en Belgique, t’est indispensable dès ta descente du Thalys ou ton arrivée à l’aéroport, si tu veux accéder aux transports en commun !

En l’occurrence, la machine qui vendait les billets ne prenait que des pièces (c’est ce que j’ai pu rapidement constater, mon couple d’anglophones étant allé chercher un peu de compréhension au guichet). Qui débarque d’un avion avec 15 euros en petite monnaie ? ... C’est la somme qui est désormais réclamée à un couple qui souhaite rejoindre la capitale en train. Merci la nouvelle taxe Diabolo, qui décidément porte bien son nom !

Il me restait juste le temps de sauter dans un Bruxelles Express, qui, comme son nom l’indique, marque autant d’arrêts que tous les autres trains. L’occasion de découvrir d’ailleurs que, de même que le tarif, le temps de trajet s’est bien rallongé…

Un contrôleur flamand a heureusement su très vite me redonner le sourire : « c’est plus cher, mais regardez : le train est à moitié vide, vous y gagnez en confort ! » (tiens, c’est vrai, mon couple d’Anglais a disparu).

Malgré l’épreuve, me voici à bon port, et finalement contente d’être rentrée…juste à temps pour les élections !

vendredi 5 octobre 2012

Les difficultés d'une commune à facilités


Il est au moins un autre endroit en Belgique où les élections communales abritent un enjeu national. Il s’agit de la commune de Rhode-Saint-Genèse, bourgade de 18.000 âmes majoritairement francophones, pourtant située dans les terres flamandes de la périphérie bruxelloise.

Comme cinq autres communes de la périphérie (Crainhem, Drogenbos, Linkebeek, Wemmel et Wezembeek-Oppem), Rhode-Saint-Genèse bénéficie du statut de plus en plus décrié en Flandre de « commune à facilités ». Le citoyen francophone y peut, à sa demande, correspondre en français avec les administrations, selon les règles désormais fixées par la Circulaire Peeters de 1997.

Ce qui ne devait être à l’origine qu’une dérogation exceptionnelle, et même temporaire, selon l’interprétation dominante flamande, s’est peu à peu transformé en principe. Les francophones sont en effet de plus en plus nombreux à venir peupler les villes aisées de la périphérie, élargissant du même coup au grand dam des Flamands la « tâche d’huile francophone », qui voit Bruxelles progressivement s’étendre sur le territoire du Brabant flamand.

Le sujet est devenu l’un des plus sensibles entre les deux Communautés, au point de conduire depuis 2006 à cette aberration démocratique : trois bourgmestres francophones ré-élus à Linkebeek, Kraainem et Wezembeek-Opem, qui avaient convoqué en français les électeurs de leur commune, n’ont jamais obtenu leur nécessaire nomination par le Ministre flamand des affaires intérieures, et ce malgré l’intervention du Conseil de l’Europe, venu enquêter en 2008 et 2009 sur ces étranges mœurs politiques locales.

Au paroxysme de ce duel se trouve le décret du gouvernement flamand baptisé wonen in eigen streek (habiter dans sa propre région). Ce texte exige des postulants à l’installation dans certaines communes très prisées des francophones, en périphérie bruxelloise et sur la côte notamment, de démontrer des liens durables avec la commune concernée. Officiellement destiné à lutter contre la pression immobilière induite par l’arrivée massive de hauts revenus, il a cependant aujourd’hui été considéré comme « contraire aux libertés fondamentales » par l’avocat général près la Cour de Justice de l’Union Européenne, qui juge la mesure disproportionnée par rapport à l’objectif affiché, et n’exclut pas qu’elle ait pour seul but d’empêcher l’installation de francophones en terre flamande.

C’est dans ce contexte pour le moins tendu qu’a été constituée à Rhode-Saint-Genèse une liste d’union flamande, emmenée par Geertrui Windels, épouse à la ville du Président du Conseil de l’UE, M. Herman Van Rompuy. Sous le nom de « Respect », cette liste regroupe notamment plusieurs membres de la très nationaliste N-VA, qui prône entre autres  la suppression du statut de communes à facilités.

Interrogée sur ce grand écart politique, la Première Dame européenne assume vouloir représenter toutes les tendances politiques de la Flandre. « Les francophones ne sont pas mon obsession, déclare-t-elle dans le quotidien francophone Le Soir, mais ils doivent comprendre qu’en Flandre, la langue est le néerlandais ».

Face à elle, une liste d’union francophone emmenée par Pierre Rolin fait de la protection des droits des francophones de la périphérie le thème majeur de sa campagne. Le Conseil communal en place, qui regroupe les mêmes partis, a d’ailleurs fait d’ores et déjà  savoir que cette année encore, des convocations en français seront adressées aux électeurs.

Quand on sait que Rhode-Saint-Genèse avait un temps été pressentie pour abriter un improbable corridor reliant Bruxelles à la Wallonie à travers la Flandre, on comprend que le terme de conflit communautaire sur cette terre n’est qu’à peine excessif.