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samedi 15 décembre 2012

Comment fuir Néchin-pôts ?


Seule la Belgique pouvait réussir ce tour de force. Apparaître en France comme un véritable paradis fiscal (si tant est que l’on puisse trouver à Néchin des airs de paradis). Et, sur son sol, être sans cesse critiquée pour une imposition jugée quasi-confiscatoire.

D’un côté, une fiscalité si avantageuse sur le patrimoine qu’accourent en Belgique certaines de nos plus grosses fortunes : absence d’ISF, de droits de succession, de fiscalité sur les revenus fonciers, sur les plus values-mobilières et immobilières … De l’autre, une contrepartie douloureuse pour les expatriés et les transfrontaliers qui découvrent souvent trop tard le poids de la fiscalité pesant sur le travail.

Pragmatisme, toujours…Plutôt que de s’indigner contre cette injustice bien installée, le travailleur belge préfère la contourner à sa façon et s’accommode au final du système.

Pour le salarié, cela passe par la négociation d’avantages en nature d’une diversité infinie, à commencer par l’octroi de voitures de fonction, qui représentent aujourd’hui plus de la moitié du parc automobile bruxellois.

Pour les indépendants et commerçants, la fraude à la TVA ne fait même plus office de sport national, elle se fait sans effort.

Je crois ne jamais me lasser de ce petit plaisir qui consiste, une fois le travail d’un artisan terminé, à lui poser innocemment cette question (Française + Blonde = très facile de passer pour une arriérée) :
-           - Vous m'envoyez la facture ?

Je mentirais si je disais qu'une seule fois la réponse fut positive. Depuis la perte de la farde (dossier), à la panne d’imprimante, pas moyen d’obtenir le moindre écrit justifiant du versement de la TVA.

Si la pratique existe aussi en France, au moins se fait-elle beaucoup plus discrète et moins assumée. Ici, à Bruxelles, le commerçant lancé sur le sujet de la fraude fiscale vous servira invariablement un argumentaire bétonné démontrant que c’est bien lui qui est dans le vrai. Et ce, en toute honnêteté !

Nos expatriés peuvent donc en plus des avantages recherchés, être certains qu’un accueil chaleureux leur sera réservé.

jeudi 6 décembre 2012

Père Noël contre Saint Nicolas


Voici peut être une nouvelle illustration de cet art du compromis à la belge qui ne cesse de nous surprendre.

Tandis que leurs voisins bataves ont fait de St Nicolas l’unique patron de leur fin d’année. Tandis que dans le Nord de la France, c’est au contraire le Père Noël qui a emporté le combat contre ce dernier. Ne sachant à quel Saint se vouer, la Belgique, toujours le cœur sur la main, a choisi de ne fâcher ni l’un ni l’autre en invitant chacun d’eux à venir à sa table.

-        -  « En Belgique, vous êtes plutôt Saint Nicolas ou plutôt Noël ?
-        -  Plutôt les deux …», me répond ma voisine interloquée.

Ainsi, à Bruxelles, ce n’est pas une mais deux nuits de merveilles et d’enchantements qui viennent embouteiller les boutiques de jouets en cette fin d’année. Deux hommes en rouge à barbe blanche, deux animaux à ravitailler, deux matins de réveils excités et… deux fois moins de sous dans le porte-monnaie.

Evidemment, pour le Français, les choses sont encore plus compliquées.

N’ayant réalisé que trop tard la ferveur qui entourait la Saint Nicolas, et l’impatience survoltée savamment instillée dans les esprits de ma progéniture, je me suis retrouvée bien embêtée. Expliquer à mon fils que je n’ai jamais entendu parler de ce Saint Nicolas au risque de subir son regard de reproche assassin ? Ou me précipiter in extremis dans la boutique de jouets que je venais de quitter, celle là même où je venais de me ruiner en prévision des fêtes de Noël… Devinez !

Question encore plus épineuse. Comment leur parler de l’arbre de Noël qu’organise cette semaine mon employeur, côté français ? Le père Noël peut-il passer avant Saint-Nicolas sans se rendre coupable de crime de lèse-Saint ? Ou dois-je le rebaptiser Saint Nicolas le temps d’une semaine (mais là encore, gros risque d’exclusion pour mon rejeton).

Où s’arrête Saint Nicolas et où commence le Père Noël ?

Je propose d’organiser une négociation entre les deux protagonistes, pourquoi pas sous le patronage de Saint Martin ou de Santa Claus ? Beaucoup de nuits blanches en perspective, mais la Belgique a déjà bouclé des compromis beaucoup plus difficiles.



vendredi 30 novembre 2012

Quand Bruxelles parlemente...


Au numéro 69 de la rue des Lombards, se trouve un bâtiment dont l’existence même surprendrait la plupart des Français. Dans un cadre feutré tout autant que moderne, siège ici, dans un hémicycle dominant la ville, le Parlement bruxellois. Non, pas le parlement fédéral : le parlement de la région de Bruxelles-capitale.

Fruit d’un difficile compromis entre Flamands et Wallons, chacun gratifiés de leur propre région lors de la réforme de l’Etat de 1980, Bruxelles fut la dernière région autonome à être créée, par une loi du 12 janvier 1989.

Il n’était pas question, pour les Flamands, que Bruxelles acquière le statut plein de région et renforce ainsi l’aile francophone du pays. Au projet de troisième région proposé par les francophones, eux ont toujours préféré l’approche communautaire, qui fait de la langue le critère de dévolution d’attributions par l’Etat fédéral.

Bruxelles serait donc à la fois région et communauté.

Elle est une région, mais pas trop. Ses pouvoirs sont plus limités que ceux des régions flamande et wallonne : elle n’a pas de pouvoir constitutif, et ses décrets en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire ont une valeur juridique inférieure à celle des autres décrets.

Mais elle est aussi plus qu’une région. Depuis 1995, lui ont été attribuées un grand nombre de compétences communautaires (culture, transport, aides sociales).

Et comme le veut tout compromis, cette nouvelle région se caractérise par la complexité de son fonctionnement, autant que par sa lourdeur… Accrochez-vous, car cela ne fait que commencer !

Au Parlement bruxellois, qui est le Parlement de la « région », siègent depuis 2001 pas moins de 89 députés (17 néerlandophones et 72 francophones). L’augmentation de la représentation néerlandophone ayant été compensée, dans le cadre de nouvelles négociations, par l’augmentation du nombre de députés francophones.

Evidemment, pour les questions communautaires, chacun retourne siéger chez soi : les élus flamands à la Commission Communautaire Flamande (VGC), les élus francophones dans une sorte de nouvelle instance parlementaire ; la Commission communautaire française (ou COCOF).

Et pour les questions communautaires bruxelloises intéressant les deux communautés, me direz-vous ? C’est très simple, voyons, le Parlement se réunit alors en Commission communautaire commune (COCOM).

Et n’oublions pas cette question cruciale: comment gouverner Bruxelles avec un tel attelage ?

La diversité des populations et des intérêts représentés a abouti à la constitution d’un gouvernement bruxellois composé de pas moins de six forces politiques. Et aucune symétrie entre partis flamands et francophones : si les socialistes francophones participent au gouvernement, ce n’est pas le cas de leurs homologues flamands, qui ont été remplacés par le parti libéral…seul parti à ne pas être associé au pouvoir côté francophone !

Une complexité qui n’a d’égal que l’enjeu que représente cette ville pour chacune des deux autres régions.

vendredi 23 novembre 2012

La guerre des chefs à l’UMP ne sera pas une histoire belge.


Quels sont les points communs entre le MR (le parti libéral francophone belge) et l’UMP ? A l’aune de l’actualité récente, la question mérite d’être à nouveau posée*.

Car le jour même où Le Figaro barrait sa Une d’un « guerre des clans à l’UMP », La Libre Belgique titrait ici : « MR : la guerre des clans n’aura pas lieu ». Et tandis que suspens et désespoir étaient à leur comble au sein du parti de droite français, les libéraux belges savouraient quant à eux l’apaisement d’un compromis en dentelles, dont seule la classe politique belge a le talent.

Comme en France, deux grandes tendances s’affrontent au sein du MR depuis des années (depuis que le père de l’actuel président du parti occupait ce poste, c’est dire !). D’un côté, les partisans toujours nombreux de Didier Reynders, le libéral ancien président du parti et actuel Ministre fédéral. De l’autre, les soutiens du dirigeant actuel du MR, Charles Michel, aux accents plus centristes. Notons quand même au passage, pour nous consoler, que l’accession de ce dernier à la présidence du parti en 2011, après une importante défaite électorale, eut également des airs de psychodrame.

Les instances du MR doivent être prochainement presque intégralement renouvelées, avec en toile de fond les bons scores aux dernières élections communales, qui ont relancé des ambitions personnelles à Bruxelles, et en ligne de mire les élections législatives et régionales de 2014. Le combat promettait d’être sanglant, d’autant plus qu’une nouvelle carotte de choix devait faire courir nos candidats : le poste de Ministre-président de la région de Bruxelles (chef du gouvernement bruxellois) annoncé vacant suite au départ probable de l’indéboulonnable Charles Picqué (PS)…

Ceux qui, comme moi, se réjouissaient à l’avance du spectacle en ont été pour leurs frais.

Sous réserve du vote des militants, quelques jours de négociations internes ont suffi à voir attribuer à Didier Reynders le MR de la région bruxelloise et la tête de liste aux élections législatives dans la capitale. Vincent De Wolf, protégé bruxellois de Charles Michel, se présentera quant à lui aux élections régionales, avec pour objectif le poste de Ministre-président bruxellois.

Et voilà ! Il faut dire que tant la quantité de scrutins que le nombre de postes à pourvoir favorisent l’accession à de tels compromis…

Mais c’est aussi là l’illustration de la grande force de la classe politique belge : de crise institutionnelle en négociations communautaires, de scrutin proportionnel en constitution de coalitions, de contrats de gouvernements en alliances électorales, elle s’est depuis toujours forgée dans l’art du compromis et de la négociation, qui font sa renommée jusque dans les plus grandes institutions internationales.

Les histoires belges ne sont donc pas, loin de là, toutes ridicules.

lundi 19 novembre 2012

Flandre à droite, Wallonie à gauche : Et Bruxelles ?


Flamands et francophones ne se contentent pas d’exister sur deux territoires politiques (partis, médias, syndicats) totalement distincts. Ils expriment aussi traditionnellement des opinions politiques sensiblement différentes, voire incompatibles.

Les élections communales l’ont encore largement démontré ; tandis que la Flandre proteste en votant à (l’extrême) droite, la Wallonie reste fidèle au Parti socialiste et connaît peu le vote protestataire.

Un peu comme si, chez nous, aux dernières élections, tous les sarkozystes s’étaient regroupés au Nord de Paris, tandis que les hollandistes occuperaient le Sud de la Seine…On imagine l’ambiance dans la capitale !

Cette différence de vues remonte en fait…à l’origine du pays, même si elle n’est réellement mesurable que depuis la scission de l’ensemble des forces politiques, à partir des années 1960.

A l’époque, s’opposait déjà une Flandre majoritairement rurale, catholique et conservatrice à une Wallonie plus industrialisée, et par là même plus susceptible de voir se développer la thématique de la lutte des classes.

La question communautaire n’a fait que renforcer cette ligne de partage. Ce sont les chrétiens-démocrates (CD&V) qui ont porté traditionnellement les revendications communautaires flamandes. En Wallonie, au contraire, c’est le Parti socialiste (PS) qui incarne le premier le mouvement régionaliste. Cet axe CD&V-PS a marqué les successives réformes de l’Etat de son empreinte et permis d’aboutir à de nombreux compromis. Pas sûr que la N-VA, désormais majoritaire au Nord, prenne le relais avec autant de bonne volonté.

Et pourtant, le phénomène N-VA n’a rien d’éphémère. La force de ce parti nationaliste est d’avoir su ancrer son discours dans les racines du peuple flamand.

La N-VA reprend en effet à son compte le mythe de l’homme rural, que la Flandre célébrait au milieu du XIXème siècle dans les arts picturaux et la littérature. La Flandre reste aujourd’hui marquée par cet imaginaire du « vrai Flamand », homme de la terre et moteur, par son travail et sa rigueur, de performance économique.

A l’image des Tea party américains, la N-VA oppose aux masses laborieuses flamandes les élites urbaines socialistes trop souvent corrompues. Voter pour les forces conservatrices devient alors un acte de résistance à l’oppression francophone. Les « assistés » sont également désignés comme les ennemis, avec ce raccourci souvent esquissé : Wallon = assisté.

Si le scénario d’une scission imposée par la Flandre reste peu crédible, la Flandre de droite et la Wallonie de gauche se préparent chacune de leur côté à l’éventuel démantèlement de l’Etat fédéral.

Les Wallons votent désormais PS, autant par atavisme qu’en réaction aux discours identitaires plus musclés du Nord du pays. Les francophones ont quitté la défensive pour à leur tour adopter un discours plus conquérant et revendicatif : l’on parle d’un « plan B » de séparation du pays, et l’on ne s’oppose plus à une décentralisation accrue, à condition qu’elle se fasse au bénéfice des Régions plus que des Communautés*.

De cet affrontement, Bruxelles est non seulement l’enjeu central. Elle est aussi un acteur à part entière, et se tient politiquement à part. Bruxelles est la seule terre francophone acquise aux libéraux du MR, et en périphérie, se maintient le FDF (Front démocrate francophone), tête de pont d’un communautarisme plus conquérant.

Comme quoi, entre le Nord et le Sud, la frontière politique n'est pas si étanche.

* La Belgique compte 3 régions (Flandre, Wallonie, Bruxelles) et 3 communautés (francophone, néerlandophone et germanophone).