Il est au moins un autre endroit en Belgique
où les élections communales abritent un enjeu national. Il s’agit de la commune
de Rhode-Saint-Genèse, bourgade de 18.000 âmes majoritairement francophones, pourtant
située dans les terres flamandes de la périphérie bruxelloise.
Comme cinq autres communes de la périphérie (Crainhem,
Drogenbos, Linkebeek, Wemmel et Wezembeek-Oppem), Rhode-Saint-Genèse bénéficie
du statut de plus en plus décrié en Flandre de « commune à
facilités ». Le citoyen francophone y peut, à sa demande, correspondre en
français avec les administrations, selon les règles désormais fixées par la
Circulaire Peeters de 1997.
Ce qui ne devait être à l’origine qu’une
dérogation exceptionnelle, et même temporaire, selon l’interprétation dominante
flamande, s’est peu à peu transformé en principe. Les francophones sont en
effet de plus en plus nombreux à venir peupler les villes aisées de la
périphérie, élargissant du même coup au grand dam des Flamands la « tâche
d’huile francophone », qui voit Bruxelles progressivement s’étendre sur le
territoire du Brabant flamand.
Le sujet est devenu l’un des plus sensibles
entre les deux Communautés, au point de conduire depuis 2006 à cette aberration
démocratique : trois bourgmestres francophones ré-élus à Linkebeek,
Kraainem et Wezembeek-Opem, qui avaient convoqué en français les électeurs de
leur commune, n’ont jamais obtenu leur nécessaire nomination par le Ministre
flamand des affaires intérieures, et ce malgré l’intervention du Conseil de
l’Europe, venu enquêter en 2008 et 2009 sur ces étranges mœurs politiques locales.
Au paroxysme de ce duel se trouve le décret du
gouvernement flamand baptisé wonen in
eigen streek (habiter dans sa propre région). Ce texte exige des postulants à l’installation dans certaines communes très prisées des francophones, en
périphérie bruxelloise et sur la côte notamment, de démontrer des liens durables avec la commune
concernée. Officiellement destiné à lutter contre la pression immobilière
induite par l’arrivée massive de hauts revenus, il a cependant
aujourd’hui été considéré comme « contraire aux libertés fondamentales »
par l’avocat général près la Cour de Justice de l’Union Européenne, qui juge la
mesure disproportionnée par rapport à l’objectif affiché, et n’exclut pas
qu’elle ait pour seul but d’empêcher l’installation de francophones en terre
flamande.
C’est dans ce contexte pour le moins tendu
qu’a été constituée à Rhode-Saint-Genèse une liste d’union flamande, emmenée par
Geertrui Windels, épouse à la ville du
Président du Conseil de l’UE, M. Herman Van Rompuy. Sous le nom de « Respect »,
cette liste regroupe notamment plusieurs membres de la très nationaliste N-VA,
qui prône entre autres la suppression du
statut de communes à facilités.
Interrogée sur ce grand écart politique, la
Première Dame européenne assume vouloir représenter toutes les tendances
politiques de la Flandre. « Les francophones ne sont pas mon obsession, déclare-t-elle
dans le quotidien francophone Le Soir,
mais ils doivent comprendre qu’en Flandre, la langue est le néerlandais ».
Face à elle, une liste d’union francophone
emmenée par Pierre Rolin fait de la protection des droits des francophones de
la périphérie le thème majeur de sa campagne. Le Conseil communal en place, qui
regroupe les mêmes partis, a d’ailleurs fait d’ores et déjà savoir que cette année encore, des
convocations en français seront adressées aux électeurs.
Quand on sait que Rhode-Saint-Genèse avait un
temps été pressentie pour abriter un improbable corridor reliant Bruxelles à la
Wallonie à travers la Flandre, on comprend que le terme de conflit
communautaire sur cette terre n’est qu’à peine excessif.
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