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dimanche 27 janvier 2013

La fédération Wallonie-Bruxelles et son projet « d’Anschluss »


Partant du constat que 80 % de la population belge bruxelloise est francophone, le parlement de la Communauté française a adopté le 25 mai 2011 à l'unanimité une résolution instaurant l'appellation "Fédération Wallonie-Bruxelles" au lieu de "Communauté française".

L’arbre sémantique cachait évidemment une forêt politique. En associant ainsi les régions de Bruxelles et de Wallonie, la Communauté française affirmait son ambition de les englober à l’avenir toutes les deux. Et de peser ainsi un peu plus dans les négociations pour un éventuel partage territorial.

Si la démarche avait à l’époque été très tièdement accueillie, côté flamand comme fédéral, M. Magnette, président du PS francophone, a encore enfoncé le clou ce week-end, en appelant à la création, à l’instar des flamands, d’une nation « wallo-bruxelloise ».

Une démarche qui lui valut une réponse cinglante d’un élu de la N-VA (nationalistes flamands), fustigeant le projet « d’Anschluss » fomenté par les francophones.

Pourtant, de chaque côté de la frontière linguistique, le constat d’une complexité excessive de la répartition des compétences entre l’Etat fédéral, les trois régions (Flandre, Wallonie, Bruxelles) et les trois communautés (francophones, néerlandophones, germanophones) reste largement partagé.

Qui peut sérieusement soutenir que l’attribution aux seules régions de la gestion des transports et du commerce extérieur apparaît optimale ? Et que la gestion au niveau communautaire de l’enseignement n’a pas entraîné des disparités importantes, notamment dans l’apprentissage des langues ?

La Flandre n’a-t-elle d’ailleurs pas la première lancé les hostilités en fusionnant en 1978 les institutions de la région flamande et celles de la communauté flamande sous l’appellation « Vlaanderen » ?

Oui, mais voilà, la communauté flamande se compose essentiellement de néerlandophones non-bruxellois : région et communautés recouvrent donc des zones géographiques à peu près comparables.

La démarche des francophones est toute autre, qui vise à démontrer l’étendue géographique supérieure de leur communauté.

Rien d’étonnant dès lors à ce que cette démarche soit ressentie comme une provocation jusque dans les rangs modérés flamands, où l’on a beau jeu de souligner le différentiel d’investissements à Bruxelles largement en faveur du Nord.

Il faudra que les francophones choisissent : Comment revendiquer à la fois la fusion entre Bruxelles et la Wallonie, et un statut à part entière pour la capitale ?

La démarche qui voudrait opposer au nationalisme rampant du Nord une autre construction nationaliste, fabriquée à la hâte et de toutes pièces, apparaît beaucoup plus dangereuse que constructive. Car on ne s’oppose pas au nationalisme avec ses propres armes, sans risque important de surenchère.

vendredi 18 janvier 2013

Mariage gay en Belgique : la lune de miel se poursuit.


Ils ne sont pas si nombreux les sujets où ce sont les Belges qui peuvent adresser aux Français ce regard condescendant et un peu paternel, qui exprime autant l’amitié que... la grande déception.

Les manifestations en France contre le projet de « mariage pour tous », qui faisaient suite à un débat aussi enflammé que parfois caricatural, en ont été l’occasion.

En Belgique, la question est réglée depuis le 1er juin 2003. Depuis cette date, deux personnes de sexe différent ou de même sexe peuvent contracter mariage (article 143 du Code civil). Les couples homosexuels choisissant de se marier ont entre eux les mêmes droits et les mêmes devoirs que les hétérosexuels.

Cet élan s’arrêtait cependant à la question de la filiation. Et l’alignement des deux modèles reste encore aujourd’hui imparfait, car la présomption de filiation, qui est la règle en cas de naissance d’un enfant au sein d’un couple hétérosexuel, n’existe pas pour les couples homosexuels.

En 2006, pourtant, le droit à l’adoption ainsi qu’à la PMA pour les couples homosexuels, mariés ou non, ont été ouverts, d’une courte majorité, par le législateur. Les libéraux francophones, et néerlandophones, qui s’étaient majoritairement ralliés au projet de loi sur le mariage, se sont en effet montrés plus réticents sur ces questions.

Le droit à l’adoption reste bien sûr extrêmement théorique lorsqu’il s’agit d’une adoption à l’international, à défaut de reconnaissance de la filiation homosexuelle par les pays d’origine des enfants.

En revanche, cette loi permet au parent non biologique d’un enfant né au sein du couple, d’adopter ce dernier et donc d’exercer aussi pleinement sur lui l’autorité parentale.

La Belgique fut le deuxième pays en Europe, et dans le monde, à légaliser le mariage homosexuel.

L’Eglise catholique en est pourtant un grand pilier historique et conserve une influence politique essentielle. Jusque très récemment, les chrétiens démocrates flamands constituaient la première force politique du pays, et les partis chrétiens siègent presque sans discontinuer au pouvoir.

Alors comment expliquer que ce petit pays, catholique et monarchique, parvint à trancher sans conflit majeur toutes les questions éthiques qui déchirent aujourd’hui la France ? Comment l’euthanasie ou la PMA pour les couples homosexuels ont-ils pu si aisément y entrer dans les mœurs, quand en France le débat reste si passionné ?

Sur ces sujets comme sur d’autres, l’esprit belge, fait de pragmatisme et d’une très ancienne tolérance s’est pleinement manifesté.

Le pragmatisme d’abord. Les enfants élevés par des couples homosexuels n’étant plus exceptionnels, il convenait de leur garantir, comme à leurs camarades, une double filiation, en faisant primer la relation affective sur le lien biologique.

La tolérance, surtout. Car ces législations (mariage gay, PMA, euthanasie, …) défendent un principe simple : il revient à chacun en son âme et conscience d’avoir recours ou non à ce qui n’est qu’une simple possibilité offerte par la loi. Là où la France en appelle aux « sages » d’un comité d’éthique, fait intervenir les hautes autorités civiles et religieuses, débat à coups de grands principes sur la famille, le droit à la vie, etc., la Belgique, elle, fait le choix de laisser les questions éthiques se trancher à l’échelle de chaque individu, en fonction de ses croyances, de ses convictions, de son mode de vie, dans le respect évidemment de certaines limites.

Le mariage y est ainsi essentiellement conçu come un contrat d’ordre privé, indépendant du projet de procréation.

De même, en matière de PMA, la loi parle d’« auteurs de projet parental », sans distinguer le sexe ni le modèle de couple. Il ne revient pas au législateur de déterminer qui a le droit, ou non, d’en avoir un.

Des législations qui ont permis au Premier ministre Elio Di Rupo de se réjouir publiquement de la « modernité » de son pays. Ce n’est pas tous les jours que la Belgique est érigée en modèle !


jeudi 10 janvier 2013

A Bruxelles, le père Noël est une ordure.


Fin décembre 2012, la sonnette retentit. Derrière la porte, le gilet fluorescent clairement identifiable de l’éboueur bruxellois venu ramasser ses étrennes. Celles-ci sont rapidement empochées, en contrepartie d’un petit papier qui me semble bien léger pour un calendrier…

Il s’agit en fait d’un simple prospectus, destiné à nous informer que le service de la propreté va désormais se dégrader. Les sacs jaunes et bleus des déchets recyclables ne seront désormais plus collectés toutes les semaines, mais seulement tous les 15 jours en alternance. Comme cela tombe bien ; je songeais justement à louer une pièce supplémentaire. Elle sera donc destinée à stocker les bouteilles en plastique et autres volumineux emballages.

Merci pour le cadeau !

A peine quelques jours plus tard tombe dans ma boîte aux lettres le nouveau coup de massue…

Quel jour sortir les sacs jaunes, et quand sortir les sacs bleus ? Pas moins de huit calendriers différents viennent nous l’expliquer, chacun s’appliquant à des quartiers et des jours de collecte différents. Le dernier est même réservé à certaines rues spécifiques faisant exception aux règles édictées par les sept premiers…

Un chat n’y retrouverait pas sa boîte de thon éventrée.

J’imagine que face à tant de perplexité, le choix le plus commun aura été finalement de fourguer bleu et jaune dans le même sac, en l’occurrence le blanc, celui des déchets non recyclables, qui eux sont ramassés au même rythme que l’an dernier.

Dans ma rue, la protestation s’est exprimée différemment : tous les riverains ont sorti comme avant tous leurs sacs bleus et jaunes, libre aux recycleurs de faire le tri. Bon, ça avait l’air drôle comme ça, mais quand j’ai dû rentrer le lendemain sous la pluie les tonnes de cartons détrempés qui n’avaient pas bougé du trottoir, je riais bien jaune.

C’est alors que me vint l’idée d’adresser un courrier de protestation au responsable de cette confusion. Commune ? Communauté ? Région ? Ah, Ah… Je n’y étais pas encore. Bruxelles-Propreté, la responsable de ce désastre, est une agence régionale autonome créée en 1990. Elle est dirigée par des fonctionnaires, et financée par la région, mais peut exercer ses activités dans le secteur commercial... à l’abri d’une concurrence trop sévère, certes.

Et des organismes régionaux comme celui là, à Bruxelles, il y en a 23 !

vendredi 4 janvier 2013

Noël : Le Roi des Belges a les boules.


« En ces temps perturbés que nous vivons, soyons vigilants, et montrons-nous lucides face aux discours populistes. Ils s’efforcent toujours de trouver des boucs émissaires à la crise, qu’il s’agisse de l’étranger ou des habitants d’une autre partie de leur pays. Ces discours existent aujourd’hui dans de nombreux pays européens et aussi chez nous.

« La crise des années 30 et les réactions populistes de cette époque ne doivent pas être oubliées. On a vu le mal que cela fit à nos démocraties ».

Par ces phrases historiques, glissées dans son traditionnel discours de Noël, le roi Albert II peut se vanter d’avoir sorti de leur torpeur médias et politiques qui profitaient jusque là d’une trêve des confiseurs bien méritée.

La polémique était lancée.

Car nombreux furent dès le lendemain les constitutionnalistes et politiques flamands dénonçant vent debout le dérapage du monarque « ayant outrepassé ses fonctions » et mis ainsi en « danger » la démocratie, pas moins.

Certes, dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle, le Roi n’a pas à intervenir sur l’échiquier politique, pour faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

Mais qu’en serait-il de son rôle de monarque, s’il n’en incarnait pas au moins la fonction symbolique ? A quoi servirait le Roi s’il ne s’efforçait d’appeler encore, envers et contre tous, à l’unité d’un pays, au respect de ses citoyens, et à travers eux de la démocratie ?

Alors certes, Albert II a eu des paroles qui ne sont pas innocentes. Bien évidemment, en ciblant les partis « populistes », il prend à parti directement la N-VA de Bart de Wever. Ce parti qui, ciblant les « ennemis de l’intérieur » wallons, s’est hissé jusqu’au mayorat d’Anvers et a affiché en 2012 un ancrage électoral plus que confortable en Flandre.

Mais comment ne pas être d’accord avec la mise en garde d’Albert II. La montée des mouvements populistes, souvent d’extrême droite, n’est pas un phénomène particulier à la Belgique, et il se doit d’inquiéter tous ceux qui sont attachés à la démocratie.

En refusant en 1990 de promulguer une loi dépénalisant l’avortement, Baudouin avait commis un acte bien plus politique, que son gouvernement avait couvert.

Plus récemment, le 21 juillet 2011, Albert II avait fait vibrer la Belgique d’un appel à l’unité, en pleine crise politique et institutionnelle.

La verdeur des réactions démontre surtout une chose ; c’est que le contexte politique en Belgique s’est profondément transformé. La flamingante N-VA est plus puissante que jamais, et dispose des réserves électorales nécessaires à la conquête de la région flamande 2014. Le caractère républicain affiché par ce parti n’est plus même un problème pour la majorité de ses électeurs. Plus une semaine ne passe sans que la Monarchie soit soupçonnée, épiée, chahutée. Au point que certains rêvent de la voir tomber de son piédestal.

Un jeu dangereux car, si Albert II n’avait pas eu ces paroles, qui donc les aurait eues ? Certainement pas les partis flamands, trop préoccupés de reconquête. Et peut-être même pas les francophones, qui devront un jour gouverner avec eux…