Bruxelles se vante souvent de ne pas connaître le
phénomène des « banlieues » que rencontrent la plupart des grandes
villes françaises. Ici, au contraire, les environs de la capitale sont
majoritairement peuplés de revenus élevés, venus chercher au vert le calme et l’harmonie qui ne règnent pas toujours au sein de la capitale européenne.
C’est officiellement contre cette tendance à la
« gentrification » de certaines communes, notamment en périphérie de
la capitale, que voulait lutter le gouvernement flamand, en adoptant le 27 mars
2009 le décret « wonen in eigen streek » (habiter dans sa propre
région).
Selon ce texte, les biens immobiliers de 69 communes
flamandes particulièrement recherchées ne peuvent être transférés qu’à des
personnes qui, selon l’avis d’une commission d’évaluation provinciale,
disposent d’un «lien suffisant» avec lesdites communes.
Un objectif louable selon l’élu flamand de la périphérie
Eric Van Rompuy (chrétien démocrate flamand), qui aurait presque réussi à nous
faire verser quelques larmes sur le sort des ces « pauvres » flamands
de la périphérie, chassés de leur commune de cœur par des hordes de bruxellois fortunés.
Le décret ne ferait donc que poursuivre un objectif
d’intérêt général, qui justifierait quelques petites entorses au droit
européen, fut-ce au détriment de libertés fondamentales, telles la liberté de
circulation ou d’installation.
Selon le décret, les « liens suffisants » avec
une commune flamande sont démontrés lorsque le candidat acquéreur remplit l’une
au moins des conditions suivantes:
- avoir (été) domicilié dans la commune ou dans une commune avoisinante pendant au moins six ans de manière ininterrompue,
- exercer une activité professionnelle au moins à mi-temps dans la commune,
- avoir construit avec la commune un lien en raison d'une circonstance importante et de longue durée.
La Cour de Justice de l’Union européenne ne s’y est pas laissée
prendre, qui a clairement censuré cette démarche.
Ce 8 mai 2013, statuant sur une question préjudicielle que lui
avait adressée la Cour constitutionnelle belge, elle a affirmé sans ambiguïté
que le droit européen s’opposait à une telle
réglementation.
De quoi encore un peu plus ternir l’image de la Flandre sur la
scène internationale.
Car bien que le gouvernement régional a plaidé le
caractère purement interne de ces mesures, l’importance se ses prérogatives et
les conséquences du décret sur les populations non belges donnaient nécessairement
à la question une dimension européenne.
La Cour ne se laisse pas prendre au piège du caractère soi disant "social" du décret, en relevant que « d’autres mesures moins
restrictives que celles édictées par le décret flamand seraient de nature à
répondre à l’objectif poursuivi par le décret ».
En clair, le décret de 2009 ne protège pas les
populations les moins fortunées, mais bien seulement celles qui ont des racines
flamandes suffisamment anciennes.
La CJUE relève en outre la disproportion entre l’objectif affiché
de réduction des inégalités et l’entrave imposée à la liberté de circulation,
tant aux citoyens belges qu’aux ressortissants de l’Union éventuellement concernés.
Enfin, le dernier critère imposé est apparu trop flou à
la Cour, qui pointe du doigt le possible « comportement
discrétionnaire » des autorités.
C’est évidemment côté francophone que cet arrêt a été le
plus commenté.
Le gouvernement flamand, par la voix de sa ministre du
logement, Freya Van Den Bossche, s’est contenté de « prendre acte »
de la décision, en considérant qu’elle ne remettait pas en cause l’objectif
louable d’une meilleure mixité sociale dans ces communes. Le décret sera donc
maintenu, mais son objectif social sera mieux affirmé.
Hypocrisie, quand tu nous tiens…