Pays très libéral en matière de mœurs (mariage
homo, PMA, euthanasie…), la Belgique s’enorgueillit de son statut de
« pays avancé », et ne s’est d’ailleurs pas privée de tacler la
France lorsque celle-ci s’enlisait dans l’interminable « débat » sur
le « mariage pour tous ».
Est-ce
cette obsession de la primauté qui la conduit aujourd’hui là où seuls les
Pays-Bas se sont jusqu’alors aventurés ?
Plusieurs
sénateurs libéraux et socialistes ont en effet récemment déposé une proposition
de loi visant à élargir le droit de demander l’euthanasie à des enfants
mineurs.
La dépénalisation, par la loi du 28 mai 2002,
de l’euthanasie, définie comme l’acte de donner la mort à une personne qui en
fait la demande, fut le fruit d’une longue maturation, entamée à la fin des
années 1990.
Guidés par la recherche du consensus le plus
large possible, politiques et experts débattirent du sujet pendant plusieurs
années.
Ce n’est qu’en 1999 que la fenêtre politique
s’entrouvrit. Les élections fédérales amenèrent au pouvoir une nouvelle
coalition gouvernementale, composée des libéraux, des socialistes et des
écologistes. Les chrétiens-démocrates francophones et flamands, opposés au
principe même de la reconnaissance de l’euthanasie, se trouvaient quant à eux relégués
dans l’opposition.
Ils furent néanmoins activement associés aux
travaux parlementaires, et aux avis du Comité Consultatif de Bioéthique. Et progressivement,
les plus libéraux consentirent à collaborer au projet, conscients que la
majorité de la population y était devenue favorable.
Le droit de demander l’euthanasie (et non de
la voir pratiquer par son médecin) fut ainsi légalisé en Belgique, sous
plusieurs conditions :
- - Un malade conscient et capable (majeur ou
mineur émancipé),
- - Une demande spontanée et répétée, exprimée soit
directement, soit par le biais d’une déclaration écrite préalable co-signée par
deux témoins, enregistrée auprès de la commune et remontant au maximum à 5
années avant l’impossibilité de s’exprimer.
- - Une situation objectivement « sans issue » : Des souffrances physiques ou psychologiques insoutenables et
prolongées. Une pathologie incurable, qu’elle soit due à la maladie ou à un
accident.
Le médecin, dont la responsabilité pénale était
ainsi écartée, se voyait en contrepartie imposer un certain nombre de
devoirs : information complète du patient et de sa famille, avis d’un
autre médecin, notamment quand le décès n’est pas imminent, délais à respecter.
Si en ce domaine l’on ne peut qualifier de
bonne aucune solution, la loi de 2002 semblait
au moins avoir trouvé l’équilibre recherché et ne faisait plus débat. Les
évaluations régulières effectuées par la Commission fédérale de contrôle et
d’évaluation soulignaient d’ailleurs que patients comme médecins se l’étaient
appropriée, aucune dérive n’ayant par ailleurs été mise en évidence.
La
poursuite de la réflexion n’aurait pourtant pas été inutile. Alors que de plus en plus de gens se sentent directement ou
indirectement concernés, pourquoi si peu ont-ils rédigé des directives
anticipées ? Pourquoi 85 % des demandes d’euthanasie répertoriées émanent-elles
de la partie flamande du pays : statistiques incomplètes ou véritable
fracture éthique ?
Dix années de recul apparaissent encore bien
insuffisantes pour dresser un véritable bilan de la loi.
Pourtant, confondant
certainement progrès et précipitation, une poignée de sénateurs n’a pas
hésité à remettre le travail sur l’établi. Et à prendre la responsabilité de
relancer un débat qui, sur le plan éthique autant que politique, risque de
faire bien des dégâts…