Serait-ce le fait du Roi Albert II, monté sur le trône de son frère en 1993 dans la méfiance générale ? De sa pieuse épouse Paola ? De son fils aîné Philippe, écarté du trône en 1993 pour incapacité présumée ? Ou de son incontrôlable cadet Laurent, privé l’an dernier de 21 juillet pour n’avoir pas obéi à son père ?
C’est un fait ; en Belgique, on ne touche
pas (encore) à la famille royale !
L’opprobre suscité par un récent ouvrage
dévoilant sa vie privée en est l’illustration. La publication en 2011 par deux
journalistes d’un ouvrage levant le voile sur le secret du colloque singulier,
cet entretien en tête à tête avec le Roi, avait été suivie d’une polémique
identique*.
Cet élan national peine cependant à dissimuler
que la ligne de clivage qui sépare
francophones et Flamands n’épargne pas le sujet de la Monarchie…
Les Flamands votent aujourd’hui massivement
pour un parti républicain (la N-VA), dont le président s’était (on s’en
souvient encore !) présenté sans cravate devant le Roi. Pour les Flamands,
la Monarchie, trop francophone, coûte en outre très cher. Les Wallons
s’affirment, eux, plus attachés à leur Roi, tout en étant de plus en plus
nombreux à soutenir une réforme qui officialiserait son rôle purement
protocolaire. Pour les francophones, la Monarchie reste malgré tout un possible
rempart contre une séparation qui serait imposée par le Nord.
Mais si la Monarchie se trouve au cœur du
clivage national, un simple regard en arrière suffit à se convaincre que le
fossé entre les deux communautés n’est pas si difficile à franchir.
En 1950, alors que le Roi Léopold III avait
pour le moins manqué d’exemplarité, notamment en convolant pendant la période de
l’occupation, eut lieu l’épisode de la « Question
royale ». On interrogea les Belges sur le possible retour du monarque
aux affaires. Cette date marqua la
première division visible entre francophones et Flamands. Mais c’était à
l’époque la Flandre catholique et rurale qui, à 72 %, souhaitait le retour du
monarque, tandis que Wallons et Bruxellois votaient majoritairement contre… C’était
il y a seulement 60 ans !
Sur des charbons ardents, le Roi des Belges
doit donc toujours concilier ces deux ambitions paradoxales : apparaître
le plus absent possible de la scène politique du pays, tout en s’affirmant par
sa présence comme garant de son unité…Comme l’a souligné le livre « Un Roi
sans pays », le monarque a ainsi pu jouer en arrière plan un rôle
fondamental dans la gestion et l’issue de la crise politique de 2010-2011.
Lorsqu’il prit la parole le 21 juillet 2011, ce
fut pour appeler les responsables politiques à plus de responsabilité et ses
concitoyens à plus d’unité. Ce discours fut particulièrement bien accueilli.
Au point qu’aujourd’hui, c’est la succession d’Albert
II que les Belges redoutent…Comme ils redoutaient il y a vingt ans celle de son
frère Baudouin !
*Martin Buxant-Steven Samyn, Belgique, un
roi sans pays, Ed. Plon, Paris, 2011
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