Ils ne sont pas si
nombreux les sujets où ce sont les Belges qui peuvent adresser aux Français ce
regard condescendant et un peu paternel, qui exprime autant l’amitié que... la
grande déception.
Les manifestations
en France contre le projet de « mariage pour tous », qui faisaient
suite à un débat aussi enflammé que parfois caricatural, en ont été l’occasion.
En Belgique, la
question est réglée depuis le 1er juin 2003. Depuis cette date, deux
personnes de sexe différent ou de même sexe peuvent contracter mariage (article
143 du Code civil). Les couples homosexuels choisissant de se marier ont entre eux les
mêmes droits et les mêmes devoirs que les hétérosexuels.
Cet élan s’arrêtait cependant à la question de la filiation. Et
l’alignement des deux modèles reste encore aujourd’hui imparfait, car la présomption de filiation, qui est la
règle en cas de naissance d’un enfant au sein d’un couple hétérosexuel, n’existe
pas pour les couples homosexuels.
En 2006, pourtant, le droit à l’adoption ainsi qu’à la PMA pour les
couples homosexuels, mariés ou non, ont été ouverts, d’une courte majorité, par
le législateur. Les libéraux francophones, et néerlandophones, qui s’étaient
majoritairement ralliés au projet de loi sur le mariage, se sont en effet
montrés plus réticents sur ces questions.
Le droit à l’adoption reste bien sûr extrêmement théorique lorsqu’il
s’agit d’une adoption à l’international, à défaut de reconnaissance de la
filiation homosexuelle par les pays d’origine des enfants.
En revanche, cette loi permet
au parent non biologique d’un enfant né au sein du couple, d’adopter ce dernier
et donc d’exercer aussi pleinement sur lui l’autorité parentale.
La Belgique fut le
deuxième pays en Europe, et dans le monde, à légaliser le mariage homosexuel.
L’Eglise
catholique en est pourtant un grand pilier historique et conserve une influence
politique essentielle. Jusque très récemment, les chrétiens démocrates flamands
constituaient la première force politique du pays, et les partis chrétiens
siègent presque sans discontinuer au pouvoir.
Alors comment
expliquer que ce petit pays, catholique et monarchique, parvint à trancher sans
conflit majeur toutes les questions éthiques qui déchirent aujourd’hui la France
? Comment l’euthanasie ou la PMA pour les couples homosexuels ont-ils pu si
aisément y entrer dans les mœurs, quand en France le débat reste si passionné ?
Sur ces sujets comme sur d’autres, l’esprit belge,
fait de pragmatisme et d’une très ancienne tolérance s’est pleinement
manifesté.
Le pragmatisme
d’abord. Les enfants élevés par des couples homosexuels n’étant plus
exceptionnels, il convenait de leur garantir, comme à leurs camarades, une
double filiation, en faisant primer la relation affective sur le lien
biologique.
La tolérance,
surtout. Car ces législations (mariage gay, PMA, euthanasie, …) défendent un principe
simple : il revient à chacun en son
âme et conscience d’avoir recours ou non à ce qui n’est qu’une simple
possibilité offerte par la loi. Là où la France en appelle aux
« sages » d’un comité d’éthique, fait intervenir les hautes autorités
civiles et religieuses, débat à coups de grands principes sur la famille, le
droit à la vie, etc., la Belgique, elle, fait le choix de laisser les questions
éthiques se trancher à l’échelle de chaque individu, en fonction de ses
croyances, de ses convictions, de son mode de vie, dans le respect évidemment de
certaines limites.
Le mariage y est
ainsi essentiellement conçu come un contrat d’ordre privé, indépendant du
projet de procréation.
De même, en
matière de PMA, la loi parle d’« auteurs de projet parental », sans
distinguer le sexe ni le modèle de couple. Il ne revient pas au législateur de déterminer
qui a le droit, ou non, d’en avoir un.
Des législations
qui ont permis au Premier ministre Elio Di Rupo de se réjouir publiquement de
la « modernité » de son pays. Ce n’est pas tous les jours que la Belgique
est érigée en modèle !
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