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jeudi 21 février 2013

La réforme dans tous ses Etats


Je n’ai compris que très tard que la Réforme de l’Etat, en Belgique, était une source d’activité politique à part entière, destinée à ne jamais se tarir. Chaque réforme achevée porte en elle la juste dose de désaccords et d’ambiguïtés, qui constituent les germes de la réforme suivante. C’est ainsi en se réformant sans cesse que la Belgique parvient à ne pas trop bouger.

La première grande réforme de 1970 (création des régions et des communautés) a ainsi été sensiblement approfondie par celle de 1980 (élargissement des compétences des communautés à toutes les matières dites « personnalisables » et création des institutions régionales et communautaires). Mais dès 1988-89, l’on remettait l’ouvrage sur le métier (création des institutions de la région bruxelloise) pour enchaîner sur la grande réforme de 1993, qui transforma finalement la Belgique en Etat fédéral.

Le transfert progressif de compétences fédérales aux communautés et aux régions ne faisait pourtant que commencer. En 2000-2001, ce sont les régions qui héritent de nouvelles compétences, tandis que le nombre des députés régionaux bruxellois se voit sensiblement augmenté.

Et l’affrontement Nord-Sud continue de stimuler constamment le processus de réforme. Avec d’un côté les Flamands, historiquement plus attachés à la langue et aux Communautés, de l’autre les francophones, défendant un renforcement des régions. Les premiers poussent toujours au transfert de nouvelles compétences fédérales, tandis que les seconds ne se sont convertis que très tard aux vertus de la décentralisation à outrance.

Le sujet institutionnel devint, sous les pressions nationalistes, si lourd et épineux, qu’il fallut prendre le pli de poursuivre les négociations à l’écart de la scène politique. Dans l’espoir de laisser ainsi une chance au gouvernement souvent difficilement formé d’attaquer quelques sujets de fond … avant d’être inévitablement renversé.

En 2008, c’est la scission de l’arrondissement électoral et judiciaire de BHV, à cheval entre Bruxelles et la Flandre, qui fait trembler le gouvernement. Depuis 2012, et la scission, les partis négocient la 6ème grande réforme de l’Etat, sous la pression des scores triomphants du parti flamand de la N-VA.

Ce ne sont rien moins que le marché de l’emploi, les allocations familiales, et même certains volets du régime de la sécurité sociale qui vont cette fois-ci quitter le giron fédéral pour de trouver attribués aux communautés ou aux régions.

Ainsi, loin d’être un volet de l’action politique fédérale, la réforme de l’Etat est devenue une scène politique à part, indissociable de l’action gouvernementale, qu’elle doit à tout prix éviter de rencontrer. Et les institutions de l’Etat ne continuent ainsi à fonctionner qu’au prix de leur lente mise à mort. En attendant le coup de grâce.

mardi 5 février 2013

Dutroux : le passé qui ne passe pas


Faisant suite à libération conditionnelle de sa complice, Michelle Martin, à l’été 2012, Marc Dutroux s’offre à son tour le droit de réveiller un passé toujours aussi douloureux en Belgique, en sollicitant, dans une démarche aussi désespérée que provoquante, le bénéfice d’une libération conditionnelle.

La malédiction qui s’était abattue sur la Belgique au milieu des années 1990 continue de marquer les esprits, comme le point noir d’une série d’inconcevables faits divers, dont le dernier avatar fut la saga du tueur des Ardennes, Michel Fourniret.

Chacun suscita un émoi national important. Mais la manifestation la plus emblématique fut cette « marche blanche », unissant e 1996 plusieurs centaines de milliers de Belges dans les rues. A sa suite fut menée une double réforme de la justice et de la police, visant à modifier radicalement leur organisation (rationalisation des polices et gendarmeries), leur mode de recrutement et leur contrôle (création notamment du Conseil supérieur de la Justice).

Et depuis ?

Il semble malheureusement que la malédiction s’acharne. N’est-ce pas à Bruxelles, encore, qu’en 2010, une magistrate et sa greffière furent abattues en pleine audience à bout portant, avant que leur agresseur ne parvienne à prendre la fuite ?

Les manquements graves mis en évidence lors de l’affaire Dutroux semblent en outre loin d’avoir été résolus : les délais de jugement s’allongent, les peines inexécutées s’accumulent...

Peut-être est-ce d’ailleurs vers ces défaillances qu’il faut chercher une explication, plus que dans le climat local ou la filmographie des frères Dardenne.

Car il est difficile de ne pas faire un lien entre ces faits, qui expriment ce que l’espèce humaine renferme de plus vil, et l’incontestable délabrement des institutions censées, dans une démocratie, contrôler et sanctionner ces phénomènes.

Le gouvernement, paralysé par des crises à répétition, n’a toujours pu faire aboutir la grande réforme de la justice annoncée en 2009. L’Etat fédéral se délite sous la pression constante des forces régionales centrifuges. La monarchie s’enfonce sous le feu des critiques. L’Eglise, même, est étouffée sous les poids des scandales de pédophilie.

Comment espérer de l’institution judiciaire qu’elle endigue à elle seule des phénomènes d’incivisme et de délinquance encouragés par l’atmosphère ambiante de dénigrement des institutions fédérales ?