« En
ces temps perturbés que nous vivons, soyons vigilants, et montrons-nous lucides
face aux discours populistes. Ils s’efforcent toujours de trouver des boucs
émissaires à la crise, qu’il s’agisse de l’étranger ou des habitants d’une
autre partie de leur pays. Ces discours existent aujourd’hui dans de nombreux
pays européens et aussi chez nous.
« La
crise des années 30 et les réactions populistes de cette époque ne doivent pas
être oubliées. On a vu le mal que cela fit à nos démocraties ».
Par ces phrases historiques, glissées dans son
traditionnel discours de Noël, le roi Albert II peut se vanter d’avoir sorti de
leur torpeur médias et politiques qui profitaient jusque là d’une trêve des
confiseurs bien méritée.
La polémique était lancée.
Car nombreux furent dès le lendemain les
constitutionnalistes et politiques flamands dénonçant vent debout le dérapage
du monarque « ayant outrepassé ses fonctions » et mis ainsi en
« danger » la démocratie, pas moins.
Certes, dans le cadre d’une monarchie
constitutionnelle, le Roi n’a pas à intervenir sur l’échiquier politique, pour
faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.
Mais qu’en serait-il de son rôle de monarque,
s’il n’en incarnait pas au moins la fonction symbolique ? A quoi servirait
le Roi s’il ne s’efforçait d’appeler encore, envers et contre tous, à l’unité
d’un pays, au respect de ses citoyens, et à travers eux de la démocratie ?
Alors certes, Albert II a eu des paroles qui
ne sont pas innocentes. Bien évidemment, en ciblant les partis « populistes »,
il prend à parti directement la N-VA de Bart de Wever. Ce parti qui, ciblant
les « ennemis de l’intérieur » wallons, s’est hissé jusqu’au mayorat
d’Anvers et a affiché en 2012 un ancrage électoral plus que confortable en
Flandre.
Mais comment ne pas être d’accord avec la mise
en garde d’Albert II. La montée des mouvements populistes, souvent d’extrême
droite, n’est pas un phénomène particulier à la Belgique, et il se doit
d’inquiéter tous ceux qui sont attachés à la démocratie.
En refusant en 1990 de promulguer une loi dépénalisant
l’avortement, Baudouin avait commis un acte bien plus politique, que son
gouvernement avait couvert.
Plus récemment, le 21 juillet 2011, Albert II
avait fait vibrer la Belgique d’un appel à l’unité, en pleine crise politique et
institutionnelle.
La verdeur des réactions démontre surtout une
chose ; c’est que le contexte politique en Belgique s’est profondément
transformé. La flamingante N-VA est plus puissante que jamais, et dispose des
réserves électorales nécessaires à la conquête de la région flamande 2014. Le
caractère républicain affiché par ce parti n’est plus même un problème pour la
majorité de ses électeurs. Plus une semaine ne passe sans que la Monarchie soit
soupçonnée, épiée, chahutée. Au point que certains rêvent de la voir tomber de
son piédestal.
Un jeu dangereux car, si Albert II n’avait pas
eu ces paroles, qui donc les aurait eues ? Certainement pas les partis
flamands, trop préoccupés de reconquête. Et peut-être même pas les
francophones, qui devront un jour gouverner avec eux…
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